Cet article invite à se questionner sur

  • l’importance pour les relations humaines des moments partagés ininterrompus  ;
  • l’influence des écrans sur les relations entre adultes et entre parents et enfants ;
  • les conséquences sur le développement des enfants et sur la santé des jeunes adultes ;
  • la nature des relations personnelles, les conditions nécessaires à l’établissement d’un vrai contact humain et le besoin d’un nouveau style de vie.
Jesper Juul

Nous utilisons les écrans d'une manière qui nous rend malheureux

Manque de contact ininterrompu

Cet article s’inspire d’une enquête réalisée par la télévision danoise, au printemps 2016, auprès de 1600 enfants de 13 ans et d’un groupe tout aussi large de parents. Comme beaucoup d’autres professionnels, j’ai été interrogé par des centaines de parents sur les conséquences que pouvait avoir l’utilisation des smartphones et autres tablettes sur le développement des compétences sociales et du cerveau des enfants. Tant que les spécialistes en neurosciences, provenant de différents pays, publiaient des résultats, des opinions et des recommandations extrêmement variés, je me suis retenu de partager mon point de vue, qui est celui d’un expert sur la nature et la qualité des relations familiales. Toutefois, la cohérence des propos tenus et les expériences rapportées dans cette enquête par des jeunes et des parents danois m’ont finalement inspiré à écrire. Tout au long de cet article, je parle des appareils électroniques en tant que « membres de la famille », car ils attirent sur eux beaucoup d’attention et changent littéralement la culture au sein des familles, ce qui est malsain pour les relations proches, empreintes d’amour, entre adultes, entre frères et sœurs comme entre parents et enfants.

La conclusion de cette enquête est que la majorité des enfants interrogés estimaient manquer de contact avec leurs parents et voulaient passer plus de temps ininterrompu avec eux. Cela valait aussi pour les parents, et je suis convaincu que nous obtiendrions des réponses similaires si nous interrogions les partenaires quant à l’impact de ces appareils sur leur relation de couple. Cette enquête est arrivée à point nommé, parce que nous nous rapprochons à grand pas du moment de l’histoire où la majorité des jeunes adultes ne seront plus en mesure de comparer l’expérience de la vie en famille avant et après l’invention des smartphones.

Pour un certain nombre de raisons, une majorité des adultes se sont persuadés que leur vie devait suivre le rythme des courriels, des textos, des tweets et autres posts sur les réseaux sociaux, et les amis, les employeurs et les clients attendent depuis avec enthousiasme que nous soyons disponibles 24h/24. Il en va de même aussi pour certains très jeunes enfants sur leurs réseaux sociaux. Ces facteurs combinés sont maintenant une réalité, elle-même devenue un problème si grave que nous nous devons de changer d’attitude et d’état d’esprit.

Relations entre adultes

Il y a un peu plus de quinze ans, lorsque les téléphones portables ont fait leur apparition lors des visites, des rendez-vous ou des repas privés, la majorité des adultes ont perçu et ressenti cela comme un facteur dérangeant, frustrant, voire comme un signe d’impolitesse. Aujourd’hui, c’est rarement le cas. Et quand ça l’est, la plupart des jeunes (de moins de 50 ans) sont au contraire gênés. C’est devenu tout simplement rabat-joie et vieux-jeu de le faire remarquer.

Pour devenir plus forte et développer pleinement toutes ses nuances, toute relation proche, basée sur l’amitié ou sur l’amour, nécessite de la continuité et des instants ininterrompus de partage et de cohésion – c’est pour la relation ce que l’engrais représente pour les plantes. Rien de nouveau là-dessus. Nous savons des couples qui vivent ensemble depuis plus de 7 ans que les partenaires se sentent généralement mal-à-l’aise, seuls, malheureux et frustrés quand ces moments de partage et de cohésion n’arrivent que lorsqu’il y a des problèmes ou des crises au sein de la famille, et plus encore quand ces « réunions de crise » sont impossibles ou bien trop courtes et centrées uniquement sur la recherche de solution. À ce stade, les deux partenaires éprouvent un sentiment de vide et de perte de sens. Nous fonctionnons très bien ensemble, mais nous ne vivons pas, disent-ils.

Peu importe ce qui cause le manque de continuité et de moments ininterrompus de partage et de cohésion. Avant les smartphones, il pouvait s’agir de la télévision, du stress au travail, du perfectionnisme, des obligations extérieures au foyer, des hobbies, etc. Tous ces facteurs – smartphones et tablettes inclus – ne sont pas les vraies raisons de la perte de sens et d’intimité dans les relations proches. La vraie raison se trouve dans nos têtes, et c’est une bonne nouvelle, car cela signifie que nous pouvons faire évoluer les choses, indépendamment de ce que les autres décident de faire. C’est ce que font quotidiennement un grand nombre de couples, quand l’un d’entre eux se découvre souffrir d’un cancer, que leurs vies sont menacées ou leurs modes de vie impossibles à maintenir pour quelque autre raison que ce soit. Être confronté à des choses fortes comme la mort rend souvent nos choix plus intelligents.

Relations parents-enfants

De plus en plus souvent aujourd’hui, durant les quelques heures que les enfants passent quotidiennement avec leurs parents, on peut observer ce qui suit. Ils désirent poser une question à leurs parents, ils veulent leur partager quelque chose ou répondre à une remarque de ces derniers, et très souvent, la réponse qu’ils obtiennent est : « Désolé mon chéri, je dois prendre cet appel ! » ou « Je suis désolé, mais je viens de recevoir un texto du travail, auquel je dois répondre… » ou « Ça ne prendra qu’une minute, promis ! » ou « Peux-tu attendre une minute, s’il te plaît… Je dois… » ou encore « Oh mince ! J’ai oublié de l’éteindre et je dois répondre, c’est important… »

À court terme, ce comportement génère de la frustration chez les enfants. Contrairement à ce que croient beaucoup d’adultes, les enfants ne se sentent pas « rejetés ». Ce sentiment n’existe pas. Quand les adultes disent qu’ils se sentent rejetés, c’est parce qu’ils ressentent quelque chose qui les fait penser qu’ils ont été rejetés. Les enfants ne considèrent pas leurs émotions, intellectuellement, comme cela. Lorsque les parents les rejettent, ils se sentent simplement tristes, déçus ou en colère, mais comme toujours, les enfants coopèrent avec ce comportement parental (ils s’y adaptent). D’abord, ils se résignent tout en continuant d’espérer, au final, ils abandonnent et cessent d’y croire. Vers l’âge de trois ans, ils commencent à copier le comportement des adultes et se concentrent sur leurs propres écrans – la télévision, leurs tablettes… –, et plus tard, en grandissant, leurs propres smartphones.

Lorsque les enfants récemment interrogés disent qu’ils « manquent » de contact avec leurs parents, ce sentiment est un cocktail de plusieurs réactions émotionnelles et expériences formatrices différentes :

– Je me sens impuissant

Ils se sentent impuissants, car, sous l’emprise du stress, ils n’arrivent ni à exprimer leurs émotions, ni à raconter les histoires qu’ils aimeraient partager avec leurs parents. Pour pouvoir le faire, ils ont besoin de sécurité, de proximité, de confidentialité et d’une forme d’empathie active et réconfortante. Bien qu’ils se sentent à ce stade déjà souvent désemparés, ils font toujours confiance à leurs parents qui savent mieux, et ils suivent alors leur exemple.

– Je suis perdu

Chaque fois qu’un parent rompt le contact pendant une minute ou deux, les enfants partent dans leurs pensées et le flot de la conscience est interrompu. Ils oublient ce qu’ils voulaient dire, cela génère une certaine frustration chez le parent qui conclut souvent que ce n’était donc pas si important. Et après avoir été perdus, les enfants en viennent à se dire qu’ils sont aussi stupides.

– Je ne peux pas te faire confiance

Les enfants font l’observation très précise que quelque chose d’autre qu’eux-mêmes est bien plus important pour leurs parents. Cela touche les enfants dans leur propre estime, encore naissante et fragile, en ce qui en constitue l’aspect le plus crucial et le plus vulnérable : le sentiment d’avoir de la valeur pour la vie de leurs parents. Peu importe le nombre de fois qu’un parent répète ensuite « Je t’aime ! » pour s’excuser ou fait des promesses romantiques sur l’avenir (« Je vais le faire pour toi ! »), le dommage a été fait. Durant les premières années de leur vie, les enfants choisissent de croire leurs parents sur paroles, ce qui les conduit évidemment à finir, au bout d’un certain temps, par douter de leurs propres émotions, ce qui ternira encore un peu plus leur propre estime.

– Je suis seul

Tout au long de ce processus d’apprentissage de dix-douze ans qu’est l’enfance, les enfants se sentent seuls à chaque fois que leurs parents choisissent de donner la priorité à leur smartphone. Pour beaucoup d’enfants, cette solitude est ce qui définit leur existence, malheureusement aussi dans bien d’autres contextes sociaux. La conséquence la plus courante chez les enfants n’ayant pas encore atteint la puberté est qu’ils perdent généralement confiance en les adultes et tout espoir que ceux-ci puissent prendre le temps de les écouter et de les aider à formuler comment ils se sentent et qui ils sont. À la puberté, ils se retireront en général de la vie de famille et rechercheront la proximité, la valorisation et la compréhension ailleurs, très souvent sur et via les réseaux sociaux sur Internet. Nous savons d’expérience, via les lignes d’écoute téléphonique dédiées aux enfants entre 6 et 16 ans, que beaucoup en sont arrivés à la conclusion que leurs parents n’avaient pas de temps à leur consacrer. Ce n’est pas nécessairement la vérité objective, mais c’est leur expérience et la conclusion qu’ils en tirent.

 

Les jeunes adultes

Les psychologues et les éducateurs qui travaillent avec des lycéens, des étudiants et d’autres groupes de jeunes âgés de 16 à 25 ans, témoignent d’un nombre croissant parmi eux de personnes isolées, déprimées, souffrant d’angoisse et de phobie sociale, et présentant des comportements autodestructeurs. Généralement, ces jeunes disent avoir été très tôt distants de leurs parents, et cet isolement les a privés de la possibilité de ressentir et d’exprimer ce qui se passait en leur for intérieur. Nous en sommes déjà au point où un grand nombre d’entre eux deviennent à leur tour parents et transmettront très probablement ces handicaps à leurs propres enfants, ce qui devrait conduire à une augmentation effrayante du nombre d’enfants et d’adultes ayant de graves problèmes de santé mentale. La prescription d’antidépresseurs à ces jeunes est toutefois contre-indiquée et contre-productive. La solitude et le chagrin peuvent ressembler à la dépression, mais ils n’ont rien à voir avec cet état mental. Les antidépresseurs ne font que compenser la gêne et empêchent le patient de faire face à la situation de manière saine. Les enfants et les jeunes adultes témoignent que le médicament les fait se sentir mieux, mais cela ne prouve en aucun cas qu’ils aillent réellement mieux. Les médicaments sont un mauvais substitut aux relations, et les relations qui se construisent sous l’influence des antidépresseurs sont superficielles et de courte durée.

La nature des relations personnelles

D’un point de vue étymologique, le mot relation (du latin relatio, récit, narration) signifie que quand je me rapporte à quelqu’un, je me raconte à l’autre. Une relation personnelle est une manière d’être ensemble où nous partageons nos pensées, notre histoire, nos sentiments, nos expériences et nos rêves, ici et maintenant.

C’est dans la nature des relations qu’elles oscillent comme un pendule entre la proximité, la fusion et la séparation. Lorsque notre besoin de proximité est satisfait, le besoin de distance se fait ressentir, et quand ce besoin a été à son tour satisfait, le désir de proximité se fait ressentir à nouveau, et ainsi de suite. Nos vies en tant que partenaires et membres d’une même famille seraient sans doute moins compliquées si nos besoins étaient synchronisés, mais ils ne le sont pas. L’une des meilleures façons de prendre la mesure de ce balancier est de prendre des vacances en famille, trois semaines durant, sans planification avancée, et de ne faire des plans que le matin pour le jour même et de prévoir aussi des jours où rien n’est justement prévu. L’ingrédient secret et curatif est d’être ensemble et libres de suivre le rythme de nos pendules respectifs. Une telle expérience permet aux adultes et aux enfants de s’adapter ensuite plus facilement aux rythmes bien plus artificiels de la vie quotidienne. En outre, nous savons maintenant que notre sentiment de solitude n’est pas causé par les autres, mais par notre style de vie.

Pour que l’intimité émotionnelle et intellectuelle s’installe et croisse pleinement, il y a souvent besoin de 2-3 heures de partage et de cohésion. Cet aspect d’une relation exige une sorte de silence et de vide où « se connecter » à l’autre devient possible, puis découle sur un silence confortable. À ce stade, nous nous entendons alors dire des choses que nous n’avons jamais dites auparavant et/ou dont nous n’avions pas conscience. Cela se produit aussi avec nos enfants (un à la fois) et nous offre souvent de nouvelles perspectives, ainsi que de nouvelles et merveilleuses possibilités d’évolution.

Nos modes de vie actuels rendent le développement et l’épanouissement des relations extrêmement difficiles, mais nous pouvons créer des îlots de partage et de cohésion où il devient possible de renouer contact l’un avec l’autre, à condition de ne pas y amener nos smartphones. Si nous les prenons au contraire avec nous, notre famille prend alors plus l’aspect d’un archipel d’îles reliées simplement par le biais de moyens de communication électronique.

Pour que les relations se développent de l’engouement à une proximité significative, nous devons passer autant de temps en face-à-face que possible. Pas besoin d’être forcément assis l’un en face de l’autre et de parler pour que cela se produise, il peut aussi suffire de jouer, travailler, danser ou voyager ensemble, de se faire des câlins, de faire l’amour, de pleurer et de se réconforter, de cuisiner et de manger ensemble, de découvrir les goûts musicaux, artistiques et littéraires comme les besoins de solitude de l’autre. C’est la raison principale pour laquelle si peu de relations à distance survivent et pourquoi changer de maison chaque semaine est si difficile pour les enfants. L’espace de quelques instants, nous avons cru que les e-mails, les chats et conversations en ligne pourraient compenser la distance physique, mais ce n’est pas possible. Ils sont tous des outils de travail précieux, mais en ce qui concerne les relations aux personnes que nous aimons et dont nous sommes dépendants, ils sont de bien pauvres substituts. Il y a une raison pour laquelle nous aimons reposer la tête sur la poitrine de l’autre : ressentir et entendre les battements de coeur de quelqu’un d’autre est l’expérience ultime de ne pas être seul. Il est possible aujourd’hui d’enregistrer nos battements de coeur sur nos smartphones et les écouter est réconfortant – aussi pour les bébés –, mais ce n’est jamais aussi bon qu’en réalité !

Besoin d’un nouveau style de vie

Au cours des 5-6 dernières années, des expériences ont été menées dans certains pays où on a interdit aux enfants d’utiliser leurs smartphones dans les écoles, où des familles ont essayé de vivre complètement sans appareils électroniques pendant une semaine ou un mois, etc. Les retours ont été largement positifs, quel que soit l’âge des personnes en question. Les courbes d’apprentissage ont augmenté à l’école, les parents comme les enfants ont été enthousiastes de pouvoir faire tout un tas de choses ensemble, et ils y ont très rapidement pris goût. Ces expériences et la prise de conscience croissante que nos choix et nos rythmes de vie ne nous font guère du bien me donnent l’espoir qu’un changement majeur de style de vie est possible.

Bien entendu, chaque famille devra créer sa propre culture et ses propres règles ! Et gardez à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’un projet visant à protéger les enfants de potentielles lésions cérébrales, mais bien d’améliorer la qualité de vie familiale et de renforcer la proximité et l’intimité au sein des familles. Il s’agit de vous rendre disponible et accessible à ceux qui vous sont proches, tout en étant inaccessible pour le reste du monde. N’attendez pas qu’une nouvelle mode surgisse de la misère actuelle – faites équipe avec vos enfants et d’autres familles de votre entourage, et lancez-vous dans l’expérience deux semaines. Évaluez ensuite, faites des ajustements et assurez-vous que tout le monde ait bien en tête que la période d’essai dure 3 mois au minimum ! Partagez vos expériences sur les réseaux sociaux et contribuez à créer un mouvement durable.

Voici mes suggestions :

– Le temps du réveil et du déjeuner est un moment sans téléphone, et la même règle s’applique pendant la demi-heure avant le dîner jusqu’à l’heure du coucher des enfants. Vous pouvez confectionner une jolie boîte installée dans le hall où tout le monde doit déposer son téléphone et le mettre en charge durant ces temps sans téléphone.

– Éteignez les téléphones de l’heure du coucher jusqu’à ce que vous alliez à l’école et au travail le jour suivant.

– Tous les temps de repas sont des moments sans téléphone, de même les repas dans les restaurants, y compris durant le temps d’attente jusqu’à ce que la commande soit servie. (Ces minutes sont parfaites pour rétablir le contact et la proximité après une période de séparation). Si vous autorisez l’utilisation des téléphones et tablettes pendant ce temps d’attente, le message est le suivant : nous ne sommes rassemblés que pour manger et remplir nos corps de nourriture. Rien pour les coeurs, ni pour les âmes. (Gardez aussi à l’esprit que les enfants peuvent ouvrir leur cœur à un questionnaire, mais souvent pas à leurs parents ou seulement quand c’est presque trop tard.)

– Les parents et les couples peuvent convenir de créneaux spécifiques où les smartphones et les tablettes peuvent être utilisés, mais ils doivent au minimum être désactivés lorsque des moments de repas, au lit, au cinéma, lors des sorties, etc.

– Assurez-vous d’informer les amis, la famille, les collèges et les employeurs que vous n’êtes plus disponibles tout le temps, et aidez vos enfants à faire de même si nécessaire.

Au regard des retours que nous avons reçus de familles qui ont déjà entrepris quelque chose de ce style, nous savons qu’il est important que les parents prennent le leadership, surtout pendant les trois premiers mois, tout en effectuant des ajustements réguliers par rapport aux besoins et aux horaires de chacun. Au bout de 2-3 mois, les enfants en deviennent généralement de fervents promoteurs et inspirent souvent leurs amis à remettre à plat les « cartes électroniques » dans leurs familles.

Dans certaines écoles où les appareils électroniques ont été complètement bannis des salles de cours, les enfants ont vu les nombreux avantages et ont suggéré alors de pouvoir y avoir accès après la pause déjeuner, afin de suivre leurs médias sociaux. Lorsque les écoles ont été d’accord sur ce point, la différence entre les temps de communication et les temps d’apprentissage est devenue encore plus significative pour les enfants !

 

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© Jesper Juul, Familylab International

Titre original anglais : The way we use smartphones and tablets is starving our hearts
Traduction : David Dutarte